Au fil de la Loire 6

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Mardi 26 avril

Azay-le-Rideau – Chenonceau 152 km 

  Les préparatifs habituels de départ effectués, nous repartons vers de nouvelles aventures.
En traversant le village, tout en longueur, apparaissent quantité d’enseignes d’ateliers et de commerces de vannerie. Ce doit être la spécialité du pays. Une halte à la coopérative nous permet d’étoffer nos connaissances dans ce domaine qui, il faut bien l’avouer, nous est totalement étranger.

            Le personnel des ateliers explique parfaitement de A à Z la façon dont naît un panier, une corbeille de boulanger et une foule incroyable d’autres objets dont du mobilier de très belle facture. Grande qualité, sans aucun doute,  mais tarifs également à la hauteur.

            Route vers la vallée troglodytique des Goupillières, à quelques encablures d’Azay-le-Rideau, sur la route d’Artanes. Il s’agit d’une propriété privée ; accueil par une jeune femme qui développe tout le passé du site à travers l’histoire. On voit donc l’habitat du Moyen Age jusqu’à nos jours dans des galeries creusées dans le tuffeau tendre.

Habitat mais aussi cachettes profondes qui furent bien utiles à l’époque des grandes invasions et plus tard des guerres de religion. Objets usuels hors d’âge, fours à pain, cheminées, puits d’aération, greniers enfouis. Sensations étranges garanties. Cette fois le GDR ne s’est pas trompé, qui a couronné l’endroit de trois « Routards ».

            Dans la traversée de Montbazon, en direction de Veigne, un panneau informe de l’existence d’une aire de service pour camping-cars. On ne s’arrête pas mais voilà une info qui pourra sans doute être utile à des confrères qui auraient un peu trop tendance, à tort, de se fier uniquement à la brochure dite officielle du Monde du Camping-Car qui, une fois encore, est prise en défaut.

            Nos roues roulent vers Loches. Parking très pratique et gratuit près de la gare, presque au centre-ville. Loches est surplombée d’un château féodal construit lui aussi à des époques différentes. La visite est très intéressante et riche d’histoire, naturellement.

La partie la plus ancienne est constituée de la ruine du premier donjon, édifice impressionnant, carré, angoissant même, tant ses interminables murailles presque aveugles d’une hauteur de 36 mètres, écrasent tout ce qui l’entoure ; oui, angoissant, et sombre…, moyenâgeux, quoi !

            C’est dans le logis royal et plus précisément dans la grand salle du XVe siècle, que Jeanne d’Arc vînt convaincre le Dauphin d’aller se faire sacrer à Reims sous le nom de Charles VII. C’est ici également que repose la belle Agnès Sorel, la maîtresse de ce  roi à la légendaire laideur.

 Et maintenant il faut sortir de la ville ; quelle galère, mes amis ! Tenez-vous bien : en suivant scrupuleusement les panneaux directionnels, nous nous retrouvons par trois fois au même endroit après avoir parcouru plus de vingt kilomètres ! On se croirait dans un célèbre sketch de Raymond Devos ! Je conseille aux édiles responsables de la circulation qui pourraient lire ces lignes de jouer le jeu comme quelqu’un qui ne connaît pas le coin, ils seront édifiés ! Enfin on est bien sur la route que nous cherchons, celle de Montrésor.

 Il pleut averse. En arrivant le château du même nom se voit mal, blotti dans la cité, il se fait tard, bref, on passe. Par contre, un peu plus loin, seul en rase campagne et tout au bord de la route, le château de Montpoupon dresse fièrement ses tours pointues recouvertes d’ardoise, ainsi que son donjon.

Le ciel s’est dégagé et ça change tout pour la lumière, qui devient magnifique. Un arrêt photo s’impose, quant à la visite, malgré les grilles encore ouvertes, nous l’estimons inutile, d’abord parce que commençons à souffrir sérieusement de surconsommation de châteaux, et ensuite parce qu’il est presque 19 h et qu’il nous faut encore trouver un coin pour passer la nuit avant que celle-ci ne nous tombe sur la tête.

A Chusseau un camping est indiqué sur la commune de Francueil, juste sur l’autre rive du Cher. Contrairement aux propos du GDR nous trouvons le propriétaire bien peu accueillant ; le prix et de 12 € sans électricité ; comme nous n’avons besoin que du minimum ce soir, on l’estime trop cher et pas assez sympa, alors on repart. On va incessamment arriver à Chenonceau ; on se dit que le bon coin pour la nuit est encore loin d’être trouvé, que les chances diminuent au fur et à mesure qu’on s’approche et que, de toutes façons, ce n’est pas ici que les prix seront en baisse. L’inquiétude nous gagne un peu.

 Mais voilà qu’est annoncé le camping de Chenonceau sur notre gauche.
Curieusement le GDR n’en parle pas. On ignorait donc qu’il pût y en avoir un. En  suivant les indications nous nous enfilons dans une large allée ombragée ; quelques dizaines de mètres plus loin, encore sur la gauche, apparaissent des dizaines de camping-cars en stationnement. C’est un emplacement spécialement réservé à nos véhicules, gratuit, à moins de 100 m de l’entrée du domaine. Quant au camping, il est un peu plus loin mais on n’en a plus besoin.
Un très grand merci aux responsables locaux.

 Toute la soirée arrivent de nouveaux nomades et à la nuit tombée plusieurs dizaines sont sagement alignés en ringuette jusqu’à demain.

            Les esprits chagrins vous diront que la voie ferrée toute proche perturbe la sérénité du lieu avec ses nombreux passages de trains, c’est vrai, mais on ne peut pas tout avoir.

 Mercredi 27 avril

Chenonceau – Neung-sur-Beuvron  137 km

 La première réjouissance du jour sera une promenade fluviale sur le Cher. Pour cela il faut retourner à Chisseaux, à cinq minutes de route. Là, une petite entreprise familiale organise des balades avec ses deux bateaux, un gros, le Bélandre, et une gabare, beaucoup plus petite, la Carpe Diem. A notre arrivée nous sommes seuls et le patron explique qu’il ne pourra pas sortir le Bélandre à cause du niveau de l’eau, incorrect, car les autorités refusent d’ouvrir les vannes du barrage voisin, etc. etc. Bon, alors en définitive, que fait-on ? Le petit voyage se fera à bord de Carpe Diem mais il faut patienter, des passagers qui ont réservé ne sont pas encore arrivés.

            Après une heure d’attente, déboule un autocar de tourisme bondé de personnes du troisième âge. Évidemment tout se passe au ralenti, on tourne beaucoup en rond, finalement tout ce petit monde embarque dans la bonne humeur. Danielle et moi sommes les seuls passagers indépendants.

            La gabare glisse lentement sur l’eau, les berges se profilent lentement, déjà bien verdoyantes en cette fin avril ; nous dépassons un îlot planté de grands arbres et bientôt la superbe construction royale du château apparaît au loin. Un travelling avant du plus bel effet nous rapproche insensiblement, on aperçoit maintenant la magnificence des sculptures, des chapiteaux, les terrasses… On disparaît un instant en silence sous l’une des arcades qui supporte la construction et à la sortie découvrons l’autre façade, avec une lumière différente. Quel charme !

            Le bateau poursuit à travers les frondaisons verdoyantes des berges ; des oiseaux sauvages s’en donnent à cœur joie ; du rêve, rien que du rêve… Nous voguons ainsi depuis un peu plus d’une demi-heure et je me rends compte que les « anciens », dans leur grande majorité, ne s’intéressent plus à tout cela, ils discutent entre eux, par petits groupes de voisinage, ils ne regardent même plus le paysage. Eux qui s’inquiétaient avant le départ de savoir si la promenade durerait aussi longtemps que ce qui leur avait été promis, les voilà déjà lassés ; je crois que ce qui compte le plus pour eux n’est pas ce qu’ils voient ni ce qu’ils en retiendront, mais simplement d’y être allés, de pouvoir dire : « je l’ai fait, j’y étais ». Je me garderai bien de porter le moindre jugement sur nos aînés, qui peut dire ce que nous ferons à leur âge ?

            N’empêche que pour Danielle et moi, la croisière a une saveur un peu spéciale, inattendue, avec le sentiment d’avoir passé un moment dans un monde douloureux composé uniquement de personnes seules, veuves pour la plupart, qui retrouvent un peu de joie de vivre grâce aux activités proposées par leur club ; ce n’est pas triste, mais c’est triste quand même.

            Retour au château, achat des tickets à la billetterie. Nous parcourons les quelque trois ou quatre cents mètres de l’allée, nous présentons au contrôle et, voyant que des visiteurs s’équipent d’un audiophone, j’en demande aussi pour nous. On vérifie nos billets et on nous dit que nous n’avons pas acheté cette prestation. Je propose de régler un supplément si nécessaire mais cela est impossible, il faut retourner au guichet et refaire la queue ! Un peu remonté je remonte en sens inverse l’allée pour faire le nécessaire. Petite discussion avec la dame dont j’estime qu’elle aurait pu me proposer ce service, ce qui n’est pas son avis.

Donc, avis aux amateurs de visite de Chenonceau avec un audiophone, car l’allée du parc dans les deux sens représente un bon moment de marche à pied.

            Cette parenthèse refermée, commence la visite. Et comme Chenonceau est le dernier château que nous visitons, je peux comparer et affirmer qu’avec celui de Chambord, il est celui que nous trouvons le plus sympathique, le plus agréable, entouré du cadre le plus tendre, l’ensemble architectural le plus féminin, d’ailleurs ne dit-on pas de lui que c’est un château de dames ? Car les dames n’y ont pas manqué, ni moult autres grands personnages d’ailleurs ; c’est d’ici que Catherine de Médicis a dirigé la France, dans son cabinet vert ; c’est dans ce château que son mari, Henri II a fait venir sa favorite, Diane de Poitiers, et le lui a offert, au grand dam de Catherine ; les deux filles de cette dernière, la reine Margot, et sa sœur, Elisabeth de France, avec leurs royaux époux, de même que ses belles-filles, Marie Stuart, Elisabeth d’Autriche et Louise de Lorraine, sont passées par là ; Catherine Briçonnet, épouse  du surintendant des Finances, l’a fait embellir et gérer de façon rationnelle et  moderne ; la favorite d’Henri IV, Gabrielle d’Estrée, l’a également hanté. Louis XIV y a séjourné ; au XVIIIe siècle, Mme Dupin, amie des encyclopédistes et propriétaire des lieux, y reçoit Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot, D’Alembert, Fontenelle, Bernardin de Saint-Pierre… Excusez du peu ! Et bien sûr on retrouve trace de tout ce beau monde au cours de la visite.

 Naturellement les peintures y sont signées Tintoret, Véronèse, Poussin, Van Dyck, Mignard, Rubens, Murillo, entre autres ; les murs sont agrémentés de tapisseries des Flandres et de Bruxelles ; du mobilier porte la signature de Boulle.

 Quant aux jardins, ce sont de pures merveilles ; essences rares disposées dans une savante géométrie, avec bassins et jets d’eau. Un enchantement, vous dis-je. Et ce n’est pas tout, il y a aussi un labyrinthe végétal composé de plusieurs milliers de plants, une ferme, un bois, et aussi un musée de cire très bien réussi.

 Bon, je vous ai peut-être saoulé un peu avec cet inventaire à la Prévert mais mes propos sont à la mesure de mon enthousiasme. Déconseillé toutefois à ceux dont la préférence va à la Guerre des Étoiles, aux cybertrucs, aux émissions de TF1 et à l’ambiance des stades de foot et qui y trouvent leur compte pour nourrir leur esprit.

 Ouf, la journée en a pris un coup ! Tout le monde à bord du camping-car et direction Romorantin. Romorantin, c’est peut-être bien, mais quand on sort de Chenonceau on ne lui trouve aucun intérêt. On poursuit. Par Mennetou-sur-Cher, où on repère au passage une aire de services Euro Relais, on bifurque vers le nord par Selles-Saint-Denis, Marcilly-en-Gault,
et Saint-Viâtre, le but de la promenade étant de découvrir les paysages de Sologne en musardant sur les petites routes, en roulant lentement dans les sous-bois, d’y dénicher les affûts de chasse, y admirer les pigeonniers, les fermes, les gentilhommières, et, qui sait, voir surgir en trois petits bonds une biche dans toute sa splendeur.

 A Saint-Viâtre on aurait bien aimé jeter un petit coup d’œil sur la Maison des Étangs ; malheureusement il est trop tard et comme nous faisons un arrêt brocanteur impromptu, nous ne pourrons la voir que demain. Mais ici aucune possibilité de passer la nuit sauf à prendre le risque de nous retrouver seuls au milieu de la nature, aussi la prudence nous dicte d’aller voir ailleurs. Il y a un camping  à Neung-sur-Beuvron, nous y allons en traversant au passage La Ferté-Beauharnais. Le camping quasiment vide « La Varenne » de Neung  nous ouvre grand ses portes pour la modique somme de 6,30 € ; nous passerons la nuit sur l’herbe tendre à l’abri d’impressionnants arbres sans doute multi-centenaires.

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